Je me souviens, c'était un lundi en plein hiver, il faisait froid et quelques flocons de neige commençaient à tomber. Ce matin là, comme tous les lundis, je m'étais levé à 5h30 pour me rendre sur mon lieu de travail situé à une centaine de kilomètres de mon domicile.
Peu avant 8h00, alors que j'arrivais près de l'entrée de l'usine, j'aperçois un attroupement inhabituel. Des brûlots sont allumés et des opérateurs du site viennent, tour à tour, se réchauffer les mains au-dessus des flammes.
Verdict: le site est bloqué. Personne de peut entrer ni sortir car tous les opérateurs sont en grève illimitée. Il faut dire que pendant le weekend, la direction du site avait essayé de sortir discrètement des moyens de production pour les envoyer dans un site localisé en Tunisie.
Un vent glacial s'est levé, je commence à grelotter. Bien que faisant partie des cadres dirigeants de l'entreprise, je me surprends à être compatissant envers ces gens déterminés qui bravent le froid piquant et se battent bec et ongles pour sauver leurs emplois. J'ai fait toute ma carrière dans l'industrie automobile chez différents équipementiers. J'y ai connu nombre de conflits sociaux, de restructurations et de fermetures de sites. Mais cette fois là, je sens un certain ras le bol m'envahir progressivement.
Une consigne tombe sur les téléphones portables: tous les cadres doivent se rejoindre à l'hôtel Campanile situé à quelques kilomètres de l'usine. Dans la voiture je m'interroge. Cette course en avant, ces délocalisations à outrance que j'ai toujours cautionné jusqu'alors, est-ce réellement la bonne solution?
Depuis le Campanile, nous suivons (bien au chaud) les péripéties des tractations en cours. Blasé et résigné, je consulte mes émails sur mon Blackberry pour répondre à mes clients. J'exerçais en effet une fonction de directeur qualité et les clients sont toujours extrêmement inquiets sur les incidences potentielles des grèves sur la qualité des pièces livrées ensuite ...
J'étais donc assis en train d'écrire un message quand, soudain, je lève la tête et mon regard s'arrête sur une affiche collée sur le mur. Les bords de l'affiche sont écornés et je me dis qu'elle ne doit pas être récente. On peut y lire le slogan suivant: La France aux 1000 fromages. Les auteurs de cette publicité ont en fait regroupé sur la carte de la France l'ensemble des 1000 fromages répertoriés et les ont positionnés dans la région où ils sont fabriqués.
Intérieurement je réfléchi : si en France nous ne savons pas garder toute notre industrie, au moins possédons nous un patrimoine gastronomique mondialement connu. Et vendu à l'exportation pour la majeure partie.
Ce patrimoine lui en tous cas ne risque pas beaucoup de délocalisation. Quoi que, dans le cas de la production viticole par exemple, nombre de cépages français d'origine sont maintenant cultivés de par le monde.
J'étais toutefois interloqué par le nombre de fromages indiqué sur l'affiche. Je n'imaginais pas, en effet, une telle diversité de produits laitiers en France. J'avais d'ailleurs en tête l'expression de Winston Churchill pendant la 2ème guerre mondiale, citant "la France, ce pays aux 300 fromages ..."; mais là, quel éventail de choix !
Il faudrait des mois pour tous les goûter. Et puis par lequel commencer?
La grève c'est arrêtée, les moyens de production n'ont pas été transférés.
Tout du moins pas cette fois là ...
Pascal Duret
Les Auberges Duret
Ancien cadre dirigeant de l'industrie automobile, Pascal c'est reconverti dans la distribution de spécialités gastronomiques françaises. Il a pour cela développé un nouveau concept de vente basé sur le slogan: Choose, Taste & Learn ...
Pour faire un tour de France des confiseries de chaque région, visitez:
Son site web: http://www.france-en-confiserie.com
Son blog: http://france-en-confiserie.blogspot.com